Le Congo se situe au centre de l’économie numérique mondialisée et en révèle les nombreuses horreurs. Dans Barbarie numérique, une autre histoire du monde connecté (L’Échappée), Fabien Lebrun, docteur en sociologie, avance une contre-histoire du numérique à partir du Congo qui remonte jusqu’aux origines du capitalisme. Entretien.

publié le 25/05/2025 Par Laurent Ottavi
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Laurent Ottavi (Élucid) : Votre livre bat en brèche l’idée que nous vivrions au temps de la « dématérialisation ». Avant d’en venir au cas du Congo, pouvez-vous expliquer en quoi il s'agit d’un « concept mensonger » ?

Fabien Lebrun : Le mot dématérialisation fait partie d’un ensemble de termes comme « cloud », « virtuel », et « cyberespace », qui véhiculent l’idée d’une moindre emprise physique sur le monde. Il promet moins, peu ou pas de matérialité. C’est pourtant l’exact opposé qui se produit dans le secteur électronique.

Dématérialiser signifie numériser et informatiser, car tous les services dits dématérialisés font appel à des équipements informatiques, donc à du matériel, autant pour les terminaux que pour les usines digitales nécessaires à leur fonctionnement. La dématérialisation invisibilise un nouveau stade de production capitaliste, sa transformation technologique qui repose notamment sur l’ensemble de cette infrastructure matérielle.

Élucid : Pouvez-vous donner quelques exemples de l’accroissement de matérialité qu’induit le numérique ?

Fabien Lebrun : Dans les années 1950-1960, la fabrication des premiers téléphones fixes requérait une dizaine de métaux. Dans les années 1990, l’avènement de la téléphonie mobile s’accompagne des téléphones à clapet ou à touche, dont la fabrication nécessitait une trentaine de métaux. Dans les années 2020, le smartphone exige une soixantaine de matières premières. Par exemple, le dernier iPhone 16 en engloutit 64 dont une cinquantaine de métaux.

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